Thetford Mines – Entre les allées du premier et du 18e trous, il y a une ligne d'arbres pas du tout uniforme, étrange même avec ses hauts arbres à travers lesquels des plus petits, pas mal plus petits, ont été plantés. Oui, étrange, mais Gilles Turcotte a l'explication: «La femme du président, dans les débuts du club, avait tendance à hooker (crochet vers la gauche). Alors elle a fait abattre les arbres se trouvant à la portée de ses coups!!!»
Plus tard, évidemment, d'autres arbres ont été plantés pour bien séparer les allées.
Gilles Turcotte, 87 ans, est l'un des patriarches du club de golf de Thetford Mines qui fête ses 100 ans cette année. De passage dans le coin, on ne pouvait refuser d'aller rencontrer, à la demande du capitaine Pierre Savard, quelques-uns des membres de longue date du club afin de replonger dans le passé et faire ressurgir quelques grands moments de ce club.
M. Turcotte était accompagné de Stephen Setlakwe, 79 ans, qui s'est présenté pour l'entretien avec en main un putter d'une autre époque et quelques balles Penfod, ces balles créées en 1927 et popularisées par James Bond dans le film Goldfinger. M. Setlakwe, comme son compère Gilles Turcotte, en avait des histoires à raconter à propos de son club de golf. Mais d'abord il soulignait:
«Vous savez, 100 ans pour un club de golf, dit-il, c'est quelque chose! Il y a peu de clubs de golf, pas juste au Québec mais partout, qui ont atteint ce nombre d'années. Je suis très fier que notre club passe ainsi à l'histoire.»
Dans bien des villes de la province, plus particulièrement à l'extérieur des grands centres urbains, ce sont souvent les grosses entreprises locales qui créaient, au début des années 1900, le terrain de golf local. Pour certaines municipalités, c'étaient les papetières par exemple mais pour Thetford Mines, ce fut la mine d'amiante.
«Et pour les employés de la mine qui voulaient jouer au golf, relate M. Setlakwe, ils ne devaient pas être payés à l'heure… Seuls les gens de la haute direction et les cadres, payés à la semaine ou au mois, avaient le droit de jouer.»
Et selon lui, le terrain était pas mal plus difficile à jouer à ses débuts qu'il l'est aujourd'hui. «Il y avait de bons joueurs qui jouaient sous la normale avec des bâtons et des balles qui n'ont rien à voir avec les tiges en graphite et les Pro-v1 que l'on connaît maintenant. Ça prenait vraiment beaucoup de talent pour jouer avec un tel équipement», rappelle-t-il en brandissant le vieux putter qui, bien sûr, n'a jamais fait l'objet d'un fitting spécialisé.
Puis M. Turcotte renchérit: «Il n'y avait pas de sentiers sur le parcours, à cette époque. Les allées étaient délimitées par des fossés. Et quand votre balle tombait dans le fossé, soit vous jouiez votre coup suivant dans le fossé, soit vous aviez un coup de pénalité.»
Ce dernier a été, en 1973, le premier président du club après que la direction de la mine eut décidé de se départir du terrain. M. Turcotte se plaît à rappeler que la compagnie minière était prête à vendre le terrain de golf pour à peine 1$!
«Le nouveau président de la mine ne voulait rien savoir de gérer un club de golf, alors il voulait s'en départir pour seulement un dollar et, en plus, ils nous libérait de toutes les dettes qu'avait accumulées le club de golf, mentionne-t-il. J'en ai fait des voyages à Montréal, à ce moment-là, au bureau chef de l'entreprise, afin de finaliser le dossier. Puis, comme nous en étions arrivés à une entente, la gouvernement a décidé de nationaliser l'exploitation des mines d'amiante… Il fallait tout recommencer!»
L'entretien avec MM Setlakwe et Turcotte s'est fait après notre partie de golf, partie que l'on a grandement appréciée avec les belles conditions de jeu qu'offrait le parcours. Des allées bien vertes et des verts pratiquement sans défaut, avec une belle vitesse de roulement, du moins lors de notre passage.
Bien situé au cœur de la municipalité, c'est un parcours qui ne déçoit pas, un parcours qui fait que l'on a le goût d'y rejouer. Nos observations coïncident d'ailleurs avec les propos du capitaine Pierre Savard à qui nous avons demandé ses impressions par rapport au terrain, certes, mais aussi au club en général. Ce dernier, originaire de Québec, s'est installé dans le secteur il y a de cela près de 10 ans.
«Les verts font définitivement la réputation de notre club et, avec une slope de 133 des jalons bleus sur 6542 verges, précise-t-il, c’est tout un challenge. J’ai été accueilli chaleureusement dès mon arrivée comme membre à ce club. Les gens sont vraiment sympathiques.»
Pour les 100 ans du club, le gros des événements soulignant cet âge vénérable pour un club de golf, se fera en septembre lors du tournoi de fermeture.