Amateur de bons vins, Jean Lachance ne comprenait pas trop pour quelle raison le grand cru qu'il venait de se verser n'avait guère de goût, pas plus que le plat de pâtes qui l'accompagnait. Le lendemain, toutefois, il avait sa réponse: un test de dépistage confirmait qu'il était atteint de la Covid-19.
«Tout s'est réglé rapidement, je n'ai pas eu d'autres symptômes que cette absence de goût. Et tout est revenu à l'ordre, je peux encore déguster le bon vin et les bons plats!», assure ce courtier en immobilier œuvrant dans le sud de la Floride.
On ne pouvait lancer cette série d'articles sur L'année Covid sans parler de la situation en Floride, là où des milliers de golfeurs et golfeuses du Québec ont l'habitude de passer leur hiver. Car de toute évidence, la pandémie a eu et aura un impact majeur sur les snowbirds. D'abord il y a eu le printemps dernier un départ précipité pour le retour au pays qui a coupé court la saison et, maintenant que les frontières terrestres sont fermées, l'exode hivernal ne sera pas aussi massif qu'à l'accoutumée.
«Je crois qu'il y aura 50% de moins de Québécois ici cet année», estime Me Nancy Lapierre, une avocate défendant les victimes d'accidents.
«À première vue, je m'attends à ce que l'on perde de 70% à 80% de notre clientèle habituelle», déplore pour sa part M. Dan Pesant, propriétaire du Village Golf Club à Palm Beach.
Ces temps-ci, plusieurs golfeurs de la province prennent habituellement la route du sud ou préparent leur départ mais, pandémie oblige, c'est davantage sur l'achat de pneus d'hiver que l'effort est mis.
«Les seuls qui se pointent ont mis leur voiture sur un camion et ont ensuite pris l'avion pour venir ici», explique M. Jean Lachance qui croit, d'ailleurs, avoir possiblement contracté le coronavirus lors du vol le ramenant en Floride lui qui avait passé quelques mois au Québec.
Ce dernier, comme tous les autres intervenants à qui nous avons parlé, ne dramatise pas la situation actuelle mais convient qu'elle affectera bien des entreprises vivant du tourisme en Floride.
«Pour ma part, dit-il, je continue de faire des affaires car ma clientèle n'est pas uniquement québécoise. J'offre de l'investissement immobilier à une forte clientèle américaine et internationale qui est toujours intéressée puisque ce secteur d'activité connaît un boom ici depuis quelques années.
«Plusieurs clients québécois m'ont demandé de mettre en vente leur propriété, poursuit-il. Le marché est là mais pas pour tous les types de propriétés. Ceux qui possèdent une résidence ou un condo dans une communauté majoritairement québécoise auront de la difficulté cette année à obtenir un bon prix.»
De bonnes décisions
De l'avis de Me Nancy Lapierre, la Covid-19 a été bien gérée en Floride par le gouverneur Ron DeSantis qui, estime-t-elle, a pris de bonnes décisions pour garder les Floridiens en santé et au travail.
«Il a beaucoup consulté, fait des tables rondes avec des spécialistes qui l'ont guidé, rapporte Me Lapierre. Le but était de prendre des mesures pour bien protéger ceux et celles plus à risque face à la Covid-19 et pour s'assurer que les gens puissent continuer à travailler et à faire vivre leur famille.»
Le départ en mars au lieu d'avril pour des milliers de Québécois n'a pas nécessairement été un inconvénient pour elle.
«Il y a eu soudainement plus d'autos sur les routes avec le départ de masse le printemps dernier et cela a occasionné plusieurs accidents, mentionne-t-elle. Nous avons eu quelques dossiers de plus à cause de cela. Mais le ralentissement survenu en Floride avec le début de la pandémie nous a aussi permis de faire un peu de rattrapage, de mettre à jour certains dossiers et projets. De plus, nous avons pu profiter des beaux mois de l'année, ici en Floride, ce que nous n'avons guère le temps habituellement pendant cette période qui, normalement, en est une très occupée pour nous.»
Du monde sur les allées
D'un été à l'autre, le Village Golf Club accueille environ 1800 à 2000 golfeurs par mois. En 2020, l'achalandage a presque doublé, souligne le propriétaire du terrain, M. Dan Pesant.
«On parle d'en moyenne 3200 golfeurs par mois, ce qu'on n'avait jamais connu comme situation auparavant, affirme-t-il. Les gens ne pouvaient pratiquer que cette activité en raison des mesures sanitaires. De plus, plusieurs se sont retrouvé en télé travail. Donc ils quittaient leur maison en semaine pour venir jouer au golf.»
La Covid-19 a touché le club de golf avec le décès de quelques membres. «C'étaient des membres âgés, plus à risque», spécifie M. Pesant.
Si l'été a été exceptionnel en ce qui a trait à l'achalandage sur ses allées, M. Pesant est conscient que les prochains mois seront plus tranquilles avec l'absence d'un bon nombre de Canadiens.
«Avec la Covid, on a été obligé d'augmenter notre flotte de voiturettes électriques pour respecter les règles de distanciation. Ce sera donc toujours sécuritaire de jouer au golf en Floride. Mais je crains que la très forte majorité de nos habitués du Québec ne seront pas ici cette année avec la fermeture des frontières terrestres et le coût des assurances», constate celui qui, cette année, a vu la PGA du Canada souligner ses 50 ans comme membre actif.