Montréal – Aussi étrange que cela puisse paraître, au Augusta National, un coup en plein centre de l'allée n'est pas nécessairement parfait. En effet, à chaque trou, la stratégie est différente; la balle doit être placée en certains endroits stratégiques pour permettre les opportunités au golfeur.
Ainsi donc, qu'est-ce qui fait d’Augusta National, ce bijou créé par le célèbre Bobby Jones, un parcours si fameux? Le principal attrait est probablement le fait qu'il soit extrêmement stratégique. Un des moins évidents à négocier parmi les parcours de championnats d'Amérique, égalé uniquement, peut-être, par le Old Course à St-Andrews en Écosse.
En créant ce parcours dans les années 1930, Jones, aidé de l'architecte Alister McKensie, ont réalisé une première dans l'histoire du golf: pour bien jouer, les golfeurs font maintenant face à un grand défi, soit exécuter le coup parfait à chaque élan.
Deux neuf différents
Un nombre de principes fondamentaux de design ont été appliqués dans l'élaboration du premier neuf. Les trous changent constamment de direction, exposant le joueur à des vents venant de tous les côtés. Chaque trou est suivi d'un trou de normale différente (4-5-4-3-4-3-4-5-4) et le mélange est bien balancé: deux normales trois (une longue et une courte), deux normales cinq (les deux atteignables avec deux bons coups), et cinq normales quatre (une courte, deux raisonnablement longues et une très longue).
Le deuxième neuf propose un tout autre caractère. À chaque année, c'est à cet endroit que tout se joue. Légèrement plus facile que le premier, le deuxième neuf peut néanmoins causer un tort certain à quiconque le prend à la légère. Avec ses deux normales trois diaboliques, deux normales cinq à couper le souffle et une série de normales quatre stratégiques, cette partie du parcours est la plus célèbre des États-Unis.
À commencer par le fameux Amen Corner. Le point tournant à Augusta, où tout semble se jouer à chaque année lors du Masters, est constitué des trous onze, douze et treize. Ces trois trous sont parmi les plus beaux et les plus stratégiques au monde.
Le tout commence au onzième trou, une longue normale 4 de 505 verges. La stratégie à adopter pour le trou dépend toujours de la position du drapeau sur le vert. Elle guide même le coup à exécuter sur le tertre de départ.
Le douzième trou est, selon Jack Nicklaus, le trou le plus difficile qu'il ait eu à affronter dans un tournoi. Cette petite normale trois de 155 verges cause à chaque année le désespoir de plusieurs golfeurs (13 coups dans le cas de Tom Weiskopf, en 1982). Parmi les nombreux obstacles associés à ce trou, le vent en est le principal. Celui-ci change constamment de direction et produit des effets bizarres sur la balle.
Le golfeur se retrouve ensuite au 13e trou devant l'une des normales cinq les plus connues au monde. Ce trou représente à lui seul toute la philosophie d'Alister Mackenzie en matière d'architecture. Facilement atteignable en deux coups, le treizième se veut une tentation intense pour tout joueur de golf. La perspective d'un aigle ou d'un oiselet est présente pour quiconque, toutefois, cela ne se fait pas sans risques, encore là en raison des nombreux obstacles.
Les particularités du parcours
Les verts: un cauchemar bien réel
Il n'y a pas un endroit au monde où la précision est plus importante qu'à Augusta. Comme ses larges verts sont extrêmement rapides et offrent énormément de changements de niveaux, les cibles sont beaucoup plus petites que ce que l'on pourrait croire. En plusieurs cas, et spécialement pour les placements de drapeaux les plus difficiles, les cibles à atteindre pour avoir une chance raisonnable de birdies sont d'environ trente pieds carrés. Même pour les meilleurs joueurs au monde, cela est petit.
Les ondulations: les hauts et les bas du Augusta National
La plus grande surprise des joueurs lorsqu'ils se présentent pour la première fois à Augusta, se situe au niveau de la topographie. En effet, sur le parcours, tout est en pente. Il est d'ailleurs tellement en pente que jouer sa balle sur la mauvaise partie de l'allée peut parfois résulter en une différence de quatre bâtons pour le coup suivant. Entre le chalet et le vert du douzième trou, il y a une différence de niveau de 165 pieds, soit l'équivalent de seize étages. De telles ondulations ne feraient pas sourciller un skieur, mais pour un golfeur, par contre, c'est du sérieux.
L'eau: la différence entre le héros et le perdant
L'eau n'est pas présente en grande quantité mais elle influence certainement la stratégie du parcours sur le deuxième neuf. Présente sur cinq trous, elle est à l'origine de plusieurs malheurs chez les golfeurs. Elle est très en jeu pour les trous du « Amen Corner« , mais également au quinzième et au seizième trou. Sur les deux normales 5 du neuf de retour, elle peut certainement faire une différence majeure dans les scores des joueurs.
Les fosses de sable: la qualité et non la quantité
Le parcours du Augusta National ne possède que 45 fosses de sable, ce qui est relativement peu pour un parcours de championnat. (Par opposition, le parcours anglais Royal Lytham & St Annes, hôte de huit prestigieux British Open, possède plus de 220 fosses de sables!) Toutefois, Alister Mackenzie savait bien les utiliser pour intimider les joueurs et les forcer à bien négocier le parcours.
Cette intimidation commence d'ailleurs dès le premier trou, une normale 4 de 400 verges protégée de deux immenses fosses de sable. La première, située du côté droit de l'allée, force tous les joueurs, sauf les plus gros cogneurs, à jouer leur coup de départ du côté gauche de l'allée.
De plus, on n'hésite pas à ajouter des éléments sur le parcours lorsque la situation l'exige. En 1966, on ajouta deux fosses à gauche de l'allée au dix-huitième, un monstre de 405 verges dans une pente ascendante d'un bout à l'autre. Cette idée vint de Clifford Roberts qui avait pour but de stopper le jeune Jack Nicklaus avec ses coups de départs très longs pour l'époque.
La végétation: le charme de l'endroit
Le fait que le parcours du Augusta National ait été construit sur une ancienne pépinière contribue à l'immense variété horticole de l'endroit. Depuis son ouverture officielle, les arbres majestueux n'ont cessé de se développer pour produire un des plus beaux endroits en Amérique. Cette variété se retrouve d'ailleurs sur la carte de pointage des joueurs. En effet, chaque trou possède un nom caractéristique qui l'identifie à l'espèce végétale qui l'entoure. Le meilleur exemple est représenté par le treizième trou, surnommé Azalea qui en avril, lors de la présentation du Masters, est entièrement fleuri.
Conclusion
La beauté du parcours et la perfection de l'organisation du tournoi ont contribué à créer un mythe autour du tournoi du Masters. De tous les joueurs y ayant laissé leur trace en tant que grands joueurs, le premier de ceux-ci est sans aucun doute Bobby Jones qui, à l'aide d'un des meilleurs architectes de son époque, Alister Mackenzie, a créé ce magnifique parcours.
Depuis, ce parcours a évolué; retouché à plusieurs reprises par d'autres architectes tels que Robert Trent Jones, Jack Nicklaus, aujourd'hui actif dans ce domaine, et plus récemment Tom Fazio. Toutefois, une caractéristique demeure toujours, après tant d'années, il s'agit de la stratégie et du mystère entourant l'évolution du joueur à travers le parcours. À chaque avril, lors du tournoi du Masters, le célèbre Augusta National fait de nouvelles victimes. Inexpérimentées ou tout simplement trop confiantes, ces victimes sont broyées par le parcours magnifique qui pourtant, réussit à les envouter au point de les faire revenir l'année suivante. C'est là, la marque d'un grand parcours de championnat, un parcours crée selon les règles de l'architecture de golf pour favoriser l'émergence des meilleurs joueurs au monde.
Pierre Savard
Très belle description de ce parcours mythique. Pour moi, le plus beau trou, c’est le 10e avec sa pente très abrupte qui bifurque sur la gauche vers le vert qui, lui, est surélevé. Faut absolument éviter d’être trop long à la droite de l’allée quoique le gaucher Bubba Watson a réalisé un coup magistral avec son wedge après avoir expédié son coup de départ sous les arbres ce qui lui a valu un oiselet et son premier veston vert, en prolongation, en 2012.
Bonne journée!