Ce matin-là, le temps était plus que frisquet, un vent froid gâchait cette journée d'automne ensoleillée. De plus, Paul Reny s'était levé avec une douleur au genou droit qui ne le lâchait pas. Alors: «Je vais partir des jaunes aujourd'hui, précise-t-il. Ce sera la toute première fois que je fais cela.»
Bien sûr, cela peut sembler anodin et sans grande importance de mentionner qu'un joueur de golf s'élancera pour la première fois à partir des jalons jaunes mais quand on sait que cette première fois survient à 103 ans, la situation mérite quand même un peu d'intérêt.
Il y a un an, GML racontait l'histoire de M. Paul Reny, ce maniaque de golf qui continuait à s'élancer et ce, à l'âge vénérable de 102 ans. Après l'entrevue qu'il nous avait accordée, nous avions convenu qu'il faudrait bien, un jour ou l'autre, jouer une partie ensemble. Et c'est ce que l'on a fait, il y a une semaine au club de golf Pont-Rouge, en banlieue de Québec, soit 6 jours après qu'il eut fêté ses 103 ans!
Les habitués de la petite balle blanche, les passionnés, bref, ceux et celles qui aiment – non, qui adorent – jouer au golf, savent que lors d'une partie, bien souvent il y a autre chose qui compte que le score sur la carte de pointage. Il y a le plaisir de s'élancer dans un décor de toute beauté, sur un terrain offrant des points de vue ou des panoramas exceptionnels, le plaisir aussi de fouler des allées en parfaites conditions, qui représentent une opportunité de jouer un parcours de renommée, le plaisir encore de simplement se retrouver entre amis et d'apprécier une journée où l'on profite du plein air pour tenter de vaincre un certain »Andy Cap ».
C'est ce feeling différent et agréable qu'il nous a été donné de vivre il y a une semaine en accompagnant ce sympathique centenaire sur les allées du Pont-Rouge. Sérieusement, on a eu l'impression de vivre un moment particulier et on a voulu en profiter au maximum.
C'est pour cela que contrairement à nos habitudes (comme l'exigent en fait les tâches de journaliste), nous n'avons pas sorti le calepin de notes une seule fois. On a joué au golf, rien d'autre, si ce n'est d'échanger avec M. Reny et d'admirer sa discipline.

Après ses coups de départ d'une centaine de verges, il sort son arme préférée, un petit bois 5 Yonex qu'il maîtrise parfaitement. Certes, parfois il rate un coup, mais à part une petite grimace montrant sa déception, il n'y a jamais aucune plainte sortant de sa bouche, pas de geste disgracieux dévoilant une quelconque frustration, non, juste de la patience pour s'appliquer à ne pas rater le prochain coup.
«Je remercie le ciel à chaque jour de m'avoir permis de vivre sans grave maladie, exprime-t-il une fois de retour dans la voiturette de golf. J'ai enterré tous mes enfants et, bien sûr, mon épouse. Alors de vivre jusqu'à 103 ans sans maladie…»
Oui, on comprend. On comprend que rater parfois un coup au golf, ce n'est rien, absolument rien.
Et l'échange se poursuit. On parle alors de ses passe-temps telle la lecture («J'adore les biographies», précise-t-il au passage.) et de son amour pour les sports qu'il a pour la plupart tous pratiqués.
«Je me suis surtout concentré, toutefois, sur le vélo de course et le ski, dit-il. Le ski de fond surtout. J'ai toujours été attiré par le côté compétition, donc j'ai été comblé avec des disciplines comme le ski de fond et le vélo.»
Il a commencé le golf sur le tard, à 49 ans, rappelle-t-il, et dès lors la passion pour ce sport s'est installée. Il mentionne ses voyages de golf et ses terrains préférés. Le club de Pont-Rouge, où nous nous trouvons justement, pas de doute figure dans ses favoris. Et en cette journée inondée du soleil de septembre, il est comblé.
«Regardez comme c'est beau!», lance-t-il sans exagération. On ne peut qu'entériner. Le terrain est parfait, les allées en superbes conditions, tout comme les verts. Effectivement, comment pourrait-on se plaindre alors que l'on se retrouve dans un tel décor et en bonne compagnie?
À un certain moment, après un élan, M. Reny grimace un peu. Il n'a pas raté son coup, visiblement c'est la douleur au genou qui l'assaille. On lui demande si tout va bien et il répond par un signe de tête vigoureux, pas question d'arrêter de jouer. Honnête, il confie cependant:
«Si je n'avais pas eu ce rendez-vous avec vous, je serais resté chez moi. Mais c'est important de respecter ses engagements. Toute ma vie je me suis fait un devoir dans ce sens et donc, aujourd'hui, je suis ici malgré le froid et la douleur au genou.»
On devine aussi chez lui un peu de fatigue à l'issue de la ronde. Mais cela ne nous empêche pas de lui demander: «On remet cela l'an prochain, M. Reny?»
«Je l'espère bien!», répond-il, tout sourire, comme si la froidure et l'élancement au genou n'étaient plus qu'un mauvais souvenir.
À noter que les gens au club de Pont-Rouge ont fait des démarches pour inscrire M. Reny dans le livre des records Guiness. Toutefois, une fouille dans ce sens leur ont révélé que la personne la plus âgée à avoir pratiqué le golf était un golfeur de 104 ans de Vancouver.