Québec – «À l'époque, mon père livrait des matériaux de construction. Il s'est dit, pourquoi je n'en vendrais pas au lieu de juste les livrer. Alors il a ouvert son commerce. Même chose pour le golf! Il jouait et jouait tout le temps. Il s'est donc dit, encore là, pourquoi je n'aurais pas mon propre terrain. Et c'est ainsi qu'il a construit l'Albatros!»
Assis dans dans le petit chalet, aux allures de vieille gare de train, au club Albatros de Québec, Guy Robichaud ne se fait pas prier pour raconter l'histoire d'un homme dont l'amour du golf l'a poussé à créer son propre parcours, l'histoire de son père Anatole décédé l'automne dernier.
Et l'époque à laquelle il fait référence, est celle de ces années où le golf roulait à fond de train, celle où il y avait des listes d'attente avant d'accepter de nouveaux membres, celle où l'on ne pouvait se pointer à un club de golf sans avoir réservé un départ, celle où les tournois sociaux pleuvaient (ou presque…), bref cette époque où l'idée de construire un autre terrain de golf représentait un bon investissement compte tenu de la demande du moment.
«C'est sûr que ce n'est plus comme avant, mais notre situation géographique, notre emplacement dans la ville de Québec, notre proximité nous aident», estime Guy Robichaud qui n'a pas hésité à assurer la relève à la suite du décès du fondateur.
Son bébé
Dans le chalet du club, les photos d'Anatole Robichaud ne manquent pas. Rendre hommage à cet homme qui, il y a 25 ans, prenait possession d'un terrain boisé pour y construire un parcours de golf, sans trop vraiment savoir dans quoi il s’embarquait, est tout à fait naturel.
«Trouvez-en des jobs où tu côtoies et sers toujours des gens joyeux»
«Je me souviens, raconte le fils, mon père n'avait pas trop de notions en architecture de golf, pour ne pas dire qu'il n'en avait aucune. Il avait demandé des plans à l'architecte Phil Watson mais une fois au milieu du boisé, pour disposer ce qui apparaissait sur les plans, il ne savait pas du tout quoi faire.

«Je suis ingénieur et j'ai des notions en arpentage, poursuit Guy Robichaud. Alors je l'ai guidé à ce sujet et on a finalement réussi à faire un premier neuf trous, en 1994, puis un 18 trous deux ans plus tard, en août 1996.»
Par la suite, il restait à entretenir les lieux. «Ce parcours de golf, explique le nouveau patron, est vite devenu pour mon père son bébé. S'il était encore là, aujourd'hui, je suis sûr qu'il serait au volant de son bulldozer pour corriger quelque chose sur le terrain!
«Il tenait plus particulièrement à la qualité des verts. Pour lui, un beau terrain se définit à la qualité des verts. Il y a des choses, sur un parcours de golf, qui sont hors de notre contrôle, comme les intempéries, mais ce sur quoi nous pouvons travailler, ce que nous pouvons faire pour le garder en bon état, on l'a toujours fait.»
18 trous, puis 15, puis encore 18
Oui, il y a eu des années sombres qui se sont pointées, au fil du temps, mais le club a su s'ajuster. Une partie du terrain était en location et les propriétaires de ce lotissement l'ont vendue à un promoteur désireux d'y construire des habitations. Le parcours a alors été amputé de trois trous.
«Pour mon père, rappelle Guy Robichaud, ce fut un moment difficile. Avec le golf, il a toujours été un dur et pur. Pour lui, un parcours de golf, c'est 18 trous et rien d'autre.»
Cet incident est survenu à un moment où certains clubs se lançaient dans les parcours à 12 trous, ce que Jack Nicklaus avait suggéré comme idée pour relancer le golf. Alors Anatole Robichaud s'est résigné et a tenté l'expérience du 15 trous.

«Ce ne fut pas du tout désastreux, raconte son fils Guy. Certains clients ont vraiment apprécié de jouer dans un temps plus court. Mais nous sommes revenus à la formule à 18 trous. Nous avons plus de pars trois et le parcours s'étend maintenant sur 5287 verges pour une normale 67.»
Pas de fermeture
Évidemment, quand le club a dû se départir de trois trous et que le promoteur qui venait de les acheter laissait entendre qu'il avait en tête un développement majeur, les rumeurs à propos de la survie de l'Albatros ont commencé à circuler.
«Les gens croyaient que l'on allait fermer», mentionne Guy Robichaud pendant que nous marchons vers une grosse roche à l'entrée du club et sur laquelle une plaque rendant hommage au fondateur y a été apposée. En ce début tardif de saison (l'Albatros se fait un honneur d'être toujours parmi les premiers à ouvrir dans la région de Québec), l'homme avance d'un pas joyeux et ce ne sont pas ces rumeurs de fermeture qui pourraient affecter sa bonne humeur.
«Écoutez, tranche-t-il, je n'ai pas hésité à prendre la relève de mon père car, trouvez-en des jobs où tu côtoies et sers des gens joyeux. Les personnes qui viennent ici, au club, elles viennent pour jouer au golf, pour satisfaire leur passion, pour s'amuser avec des amis! C'est plutôt agréable comme travail, non!?»