Québec – «Le golf m'aide beaucoup. Je prends ce qui m'arrive comme le golf nous l'enseigne, en quelque sorte, nous oblige à le faire. C'est-à-dire que tu dois accepter, c'est fait, c'est arrivé, on ne peut pas revenir en arrière, c'est inutile de chialer et de se plaindre continuellement puisque ça ne changera absolument rien.»
Sereinement, Patrick Rhéaume, 45 ans à peine, répond à nos questions lors d'une brève rencontre au Royal Québec où se tenait, ce jour-là, la dernière ronde du Duc de Kent. Ce coach qui a été derrière le succès de nombreux athlètes, tenait à assister au départ de certains des joueurs à qui il avait déjà enseigné.
Car il est conscient que le temps file. Atteint de la maladie de Lou Gehrig, une forme sévère de sclérose, Pat, comme tout le monde l'appelle, entend bien vivre pleinement les prochains mois.
En avril de l'an passé, des maux de dos persistants l'obligent à consulter. Les séances de physio ne changent pourtant rien, au contraire, la douleur ne cesse d'augmenter.
«Dans les mois qui ont suivi, raconte-t-il, j'ai vu à peu près tout ce qu'il y a de spécialistes médicaux. Puis le 10 novembre, le verdict est tombé… Je me doutais bien que ce ne serait pas une bonne nouvelle.»
Car les chutes étaient nombreuses… «Je tombais tout le temps, dit-il sur un ton anodin. Ah que j'ai tombé! Des centaines de fois. Je me suis fracturé le nez et fendu la lèvre à un certain moment. C'est particulier car marcher, parler, toucher, essayer de faire des choses, bref, ça ne va pas, mais j'ai cependant toute ma tête.»
Oh que oui il a tout sa tête! L'entrevue est souvent interrompue par des gens venant le saluer et, malgré ses difficultés d'élocution, il prend le temps d'échanger poliment, allant même jusqu'à donner des conseils à une fillette qui veut se lancer dans le golf. Car coach un jour, coach toujours.
«Être coach, c'est 24 heures sur 24, tranche-t-il. Malgré la maladie, je continue à travailler. Je n'arrête pas. Car je veux laisser quelque chose.»
Et c'est là qu'il nous parle des 3 legs qui lui sont chers. Il y a d'abord le Fonds Pat Rhéaume pour aider des jeunes. Rappelons que Pat a été le complice de Fred Colgan dès le début de la création de l'Académie de Golf Fred Colgan (AGFC) à qui sont associés les noms de nombreux excellents golfeurs de l'heure au Québec.
«Tous les jeunes que j'ai coachés, mentionne-t-il avec fermeté, ce ne sont pas des chiffres. Leurs scores ne les définissent pas, les résultats qu'ils obtiennent ne se limitent pas au chiffre qu'il y a au bout. C'est le travail, l'effort qu'ils y mettent qui comptent vraiment. Si tu fais ce que tu as à faire, que ce soit à l'école ou sur le terrain de golf, c'est cela qui importe. Ce ne sont pas seulement des athlètes ou de bons golfeurs que nous formons, ce sont avant tout des humains.»
Ainsi, le tournoi bénéfice de Golf Québec de cette année sera en son honneur et les dons amassés seront destinés à aider des jeunes athlètes. Cela aura lieu le 18 septembre au Royal Québec (tournoi-benefice-pat).
Pour son deuxième legs, Pat Rhéaume souhaite voir s'établir un nouveau modèle économique du golf. Il y travaillait depuis son entrée à Golf Canada en 2020.
«J'ai confié la suite des choses à François Roy de Golf Québec, explique-t-il. Ce que nous proposons, c'est un modèle où le golf va aider le golf. Tous les golfeurs vont contribuer à leur manière à aider leur sport. Ce qui est encourageant, c'est que tout le monde embarque dans le projet! Tous les acteurs de l'industrie du golf au Québec sont avec nous pour créer ce nouveau modèle.»
Troisièmement: poursuivre le développement du golf féminin au Québec.
«Déjà avec l'AGFC, dit-il, nous avions monté un programme dans ce sens au club de Stoneham et cela avait été un succès. Si on ne hausse pas la participation des femmes dans le golf, le golf va stagner. À peine 30% des femmes jouent au golf. Si elles pratiquent ce sport, les conjoints et les enfants vont suivre.»
Même là, alors que le destin s'abat sévèrement sur lui, Pat Rhéaume veut encore et toujours donner. La trentaine d'années qu'il a œuvrées dans le golf se traduit comme un don qu'il a fait à ceux et celles partageant sa passion. Humblement, généreusement et sans attendre quoi que ce soit en retour, il a toujours agi de manière volontaire et dévouée. C'est pour cela qu'on ose alors lui demander: «As-tu un conseil, Pat, à donner à des gens qui vivent ou vivraient une épreuve comme celle qui est tienne?»
Un moment de silence, non, de réflexion, s'installe alors. Car comme il l'a toujours fait, ses enseignements, ses conseils, bref, son travail n'ont jamais été dans l'à peu près, dans l'approximatif.
«Je ne sais pas, admet-il franchement. Chacun vit ses drames à sa façon. Comment accepter le deuil de quelque chose à tous les jours? Je vis cela en étant très, très proche des miens, de ma famille. Je crois aussi que la bucket list est très importante.»
On revient alors au golf. Avec un entraîneur de sa trempe, avec un gars qui a vu et participé à l'évolution du golf des 30 dernières années, on s'interroge à savoir si un Québécois pourrait prochainement percer le fameux PGA Tour comme des Québécoises l'ont fait pour la LPGA.
On se souviendra qu'à cette période où l'entrevue s'est tenue, Étienne Papineau venait de remporter le premier tournoi du PGA Tour Canada et avait joué au RBC Open.
«Je crois que Papi n'est pas du tout un touriste parmi les pros, affirme-t-il, convaincu. Lors du RBC Open, je l'ai vu attaquer des drapeaux sur des coins de verts à partir d'un rough de 6 pouces! Sans rien enlever aux autres, j'ai confiance qu'il perce le PGA Tour.
«Ce que fait actuellement Étienne (Papineau), poursuit le coach, reflète parfaitement les objectifs du Fonds Pat Rhéaume. Étienne est parti de loin. C'est moi qui l'ai accompagné quand il est entré à l'université West Virginia. Quand il était arrivé à l'AGFC, ce n'était qu'un gamin avec plein d'appréhensions mais avec beaucoup de talents et de détermination.
«Étienne, c'est un gagnant! Même pendant les séances d'entraînement, pas juste pendant les épreuves officielles. il voulait toujours gagner. Il faut encourager ce genre de jeune athlète, il faut être derrière eux.»
Ce jour-là, derrière lui, c'était son fils de 17 ans qui poussait le fauteuil. C'est bon de savoir que dans ces moments douloureux, il y a aussi des gens derrière un être exceptionnel comme Pat Rhéaume même si pour eux, pour ceux qui restent, l'épreuve est tout aussi difficile.
Henriette Turbide
Lâche pas Patrick ! Tu es un être exceptionnel et tu as apporté beaucoup de support pour le développement du golf dans l’Est du Québec. Je remercie le ciel d’avoir eu la chance de te côtoyer. Bon courage !
Florent Jasmine Duchesneau
Nos sympathies a la famille.