Québec – Là où elle exerce, ce n'est pas sur un terrain de golf, non que non, mais dans un bureau. Une simple petite pièce fermée et pourtant, des golfeurs d'élite s'y entraînent dans le but d'être plus efficaces lorsqu'il est question de la distance la plus importante au golf, soit la douzaine de centimètres entre les deux oreilles.
«Non, ce n'est pas un terrain de golf, mais on en pratique des choses utiles à ce sport! On exerce entre autres la patience, la créativité, on gère des émotions, on essaie de vaincre la timidité, bref on travaille sur l'aspect mental, on essaie d'identifier les forces et les difficultés», explique la psychologue Hélène Morrissette.
Au quotidien, cette spécialiste de la psychologie sportive, plonge dans les personnalités de golfeurs référés par des entraîneurs. Avec ces athlètes, elle cherche à identifier ce qui fait que, parfois, «les babines ne suivent pas les bottines», comme elle se plaît à dire.
«J'entends souvent des phrases du genre: « je sais que je devrais travailler plus mon putting pour baisser mon score (là c'est la tête qui parle) mais c'est tellement plus satisfaisant de frapper avec mon driver (là, c'est le coeur) ». Avec l'athlète, on cherche à comprendre, et bien sûr à résoudre ce problème, celui de trouver la raison pour laquelle on ne fait pas ce qu'il faut faire, même si on sait très bien quoi faire», précise-t-elle.
Comme dans la vie
Au fil de l'échange avec celle qui pratique depuis près de 30 ans, on constate que souvent, au golf, au-delà de la maîtrise de l'élan, il y a aussi la maîtrise des émotions. Au même titre qu'un physiothérapeute va se pencher sur une limitation physique et voir avec l'entraîneur de quelle façon corriger le problème, la psy va travailler sur la personnalité, le comportement et les émotions.
«Au golf, dit Hélène Morrissette, c'est comme dans la vie de tous les jours. On réagit à des situations. Je ne veux pas dénigrer les intentions de certains parents, mais quand ils lancent à leur enfant qui joue mal en tournoi: « au moins tu t'amuses », ce n'est pas nécessairement la meilleure idée. Le jeune qui rivalise avec les autres bons joueurs en tournoi, ne s'amuse pas du tout lorsque ça va mal. Il vit des moments pas très faciles, il connaît des émotions qui n'ont rien d'amusantes.
«On va les identifier avec lui, continue-t-elle, et c'est lui qui va trouver la façon de composer avec elles ou de les éviter. Je suis là pour les aider dans ce cheminement, bien sûr. Comme dans la vie, si on devient impatient lorsqu'il y a refoulement sur la route, on va l'être aussi sur un terrain de golf quand le jeu est trop lent. Et là, cette impatience va jouer contre toi. Il faut donc savoir la gérer.»
Elle précise que d'un joueur à l'autre, le travail est différent, bien sûr. Elle ne changera pas nécessairement les personnalités de chacun pour en faire des Vijai Singh totalement détendus. «Chacun y va à son rythme et cela se fait de la façon la plus simple possible, mentionne-t-elle. Et l'athlète ne fait pas nécessairement face à un problème. Parfois il s'agit juste de trouver une façon de plus pour optimiser les chances de gagner, d'obtenir de meilleures performances.»
Observatrice
C'est en s'initiant au golf avec l'entraîneur Mathieu Paradis, que Hélène Morrissette a fait irruption dans la vie de joueurs de golf visant les sommets. Elle s'est jointe à l'équipe de ce coach qui compte aussi sur d'autres spécialistes pour mener ses poulains là où ils le souhaitent, des spécialistes tels des préparateurs physiques, des physiothérapeutes ou encore des nutritionnistes.
Son travail l'amène à côtoyer l'élite et elle aime cela. «C'est très pointu comme travail, mesure-t-elle. Pour ces athlètes, un 72, c'est ordinaire, ils veulent des 64 et des 65. Et contrairement à d'autres disciplines où l'effort se fait en quelques secondes ou en quelques minutes, au golf, on parle de plus de quatre heures de travail exigeant où interviennent vents, bruits, délais…»
Parfois, elle les accompagne lors de rondes de pratique; une observatrice discrète mais attentive qui ne regarde pas vraiment où va la balle, une fois frappée par le joueur, mais la réaction de celui-ci, tentant de deviner, par les gestes qu'il pose, l'attitude qu'il adopte, ce qui se passe dans sa tête. Elle tente de percer ses émotions, en somme. «C'est très intéressant, très enrichissant de les accompagner ainsi, cela nous aide à mieux nous documenter pour mieux les aider par la suite», souligne-t-elle.
Lors des passages des pros du Champions Tour à Montréal et Québec, ces dernières années, elle s'est fait un devoir d'assister à ces tournois et de suivre ces joueurs d'expérience, la crème des golfeurs.
«J'ai remarqué deux choses particulières qui, à mon avis, sont très importantes lorsqu'on joue à ce niveau. D'abord ils parlent peu. Oui, ils échangent entre eux, mais jamais de commentaires, autant sur leur jeu que celui de leurs partenaires. Ils évitent ainsi une grosse et inutile dispersion d'énergie. Et ils s'autorisent d'être totalement sûrs de leur coup avant de l'exécuter. Certains vont marcher jusqu'à la balle, n'hésiteront pas à y retourner s'ils ont des doutes, ou encore à faire de nombreux élans de pratique avant d'attaquer la balle. Ce n'est pas quelque chose qui va plaire à la télé, mais eux, ils se donnent le droit d'être sûrs d'eux avant de jouer un coup important et c'est bien ainsi.»
Confiance
Après avoir été attentive au travail de ces pros, est-elle davantage convaincue de son travail auprès des athlètes qui la consultent, dans ce sens est-il possible de se rendre aussi haut, en compétition, tout en évitant de gérer l'aspect mental du jeu?
«Je ne crois pas qu'on puisse éviter cette dimension pour atteindre ce niveau, répond-elle sans la moindre hésitation. On a déjà mis au point certaines méthodes pour améliorer son jeu avec la force du mental, comme les pensées positives, la visualisation, les trucs de respiration pour être plus détendu. Aujourd'hui, on constate en plus qu'il faut aussi gérer les émotions telles la frustration, la colère parfois, la tristesse, l'impatience…
«Ce que l'on fait, en réalité, ajoute-t-elle, c'est aider l'athlète (mais aussi tout autre golfeur qui connaît des problèmes, qui ne progresse plus) à mieux se connaître. Et quand tu te connais mieux et que tu sais comment composer avec tes émotions, tu es plus confiant. Quand on voit les athlètes pleins de confiance, ils s'installent mieux, adoptent bien souvent une meilleure posture. C'est comme si on venait de leur donner une assurance voyage! Ils peuvent partir en paix, tous les risques sont couverts! Ils peuvent aller jouer en paix, ils savent comment gérer les émotions qui jouent contre eux habituellement.»