Baie Saint-Paul – Il y a quelques années, en 2019, plus précisément, quand une nouvelle équipe d'actionnaires a pris les commandes du Club de golf Baie Saint-Paul, l'une des conditions premières pour l'acquisition était le retour du surintendant Doris Caron. «Pour nous, c'était primordial qu'il fasse partie de la relance du club de golf», insiste Antoine Neyron, l'un des propriétaires.
Mais voilà, toute bonne chose a une fin et Doris Caron a décidé, après 40 années consacrées à l'entretien de terrains de golf, de passer le flambeau.
Il y a de ces personnages, dans le monde du golf, qui agissent dans l'ombre et dont le travail, pourtant, nous permet de profiter pleinement de notre passion. On applaudit les pros et leurs prouesses mais on oublie peut-être ceux qui font en sorte que le sport du golf se pratique dans les meilleures conditions possibles.
Et le surintendant Doris Caron fait partie de ces hommes discrets mais efficaces.
«Je ne suis pas tanné, loin de là! La santé et l'âge, qui commencent à peser un peu, m'incitent à prendre ma retraite», explique-t-il sans aucune amertume, à sa manière bien à lui de prendre les choses comme elles se présentent et de faire avec.
L'écouter, alors qu'il plonge dans ses souvenirs sans pour autant être nostalgique, c'est constater que Doris Caron est d'abord et avant tout un gars de terrain, un surintendant qui a passé plus de temps à fouler des allées de golf qu'à s'asseoir sur des bancs d'école, qu'il a davantage jonglé avec des essais-erreurs qu'avec des livres d'instruction.
«J'ai débuté dans le golf, commence-t-il, à l'âge de 9 ans. Je travaillais dans l'arrière boutique du club de Rivière-du-Loup. Puis je suis devenu cadet. Sauf que j'étais très attentif au travail du surintendant. Cela m'intéressait. Je suis donc entré dans l'équipe d'entretien du terrain jusqu'à devenir au final le surintendant.
«J'ai surtout appris le métier en consultant des surintendants d'expérience, continue-t-il. Je suis du genre à prendre le téléphone et à appeler des confrères quand un problème survient. Je m'informe aussi régulièrement auprès des agronomes ou des représentants en engrais ou autres produits. Quand je peux assister à des séminaires de mises à jour des données, je n'hésite pas. Dans ce métier, c'est important de rester connecté avec les nouveautés.»
Il y a eu sur son chemin Rivière-du-Loup, puis Sainte-Anne-des-Monts, Matane, Baie-Comeau et enfin Baie Saint-Paul avec un petit intervalle au Mont Tourbillon. C'est de là, justement, qu'en 2019 les nouveaux proprios de Baie Saint-Paul l'ont rapatrié.
«Les verts, c'est comme des enfants, il faut en prendre soin pour qu'ils grandissent bien», exprime Doris Caron en souriant car sourire, chez lui, semble être dans sa nature profonde. «Alors une des conditions à mon retour à Baie Saint-Paul, reprend-il, était l'installation d'un système d'irrigation moderne. Car auparavant, je me levais en pleine nuit pour venir arroser le terrain manuellement.»
Le parcours du club Baie Saint-Paul offre des panoramas intéressants puisque construit en flanc de montagne. C'est beau mais cela exige des efforts supplémentaires pour garder les allées et les verts en bonne condition.
«Je vais maintenant partir l'esprit en paix, soutient Doris Caron. Tout le nouveau système d'irrigation est en place. Le terrain ne peut qu'aller en s'améliorant, dorénavant. Mais j'ai une équipe de bons hommes, de bons travailleurs qui m'ont aidé à ce que tout se passe bien.»
Et parlant de bons travailleurs, l'un d'eux assiste à l'entretien. Il est tout ouïe, il écoute attentivement, comme si les paroles du futur retraité le nourrissaient. Il est tout jeune, à peine 25 ans, mais c'est lui qui prendra la relève au départ du vétéran.
Jordan Tremblay affiche un bel enthousiasme à l'idée de chausser bientôt les grands souliers de Doris Caron. «C'est un travail qui me plaît tellement! Il y a plusieurs responsabilités, c'est du multi-tâches et cela m'allume, me convient parfaitement», lance le jeune homme, frénétique, visiblement enjoué face à ce nouveau défi qui se pointe.
«Je lui confie déjà plusieurs responsabilités, enchaîne Doris Caron. C'est déjà lui qui s'adresse à l'équipe, le matin, pour le survol du travail à faire dans la journée. Je ne suis pas inquiet, je sais qu'il va bien faire. De plus, il est pas mal plus à l'aise que moi avec les nouvelles technologies. Il fera des erreurs, certes, mais on apprend tellement de nos erreurs.»
Cette dernière saison avant la retraite a débuté de bien drôle, ou plutôt de bien triste façon pour Doris Caron. Quand nous l'avons rencontré, les événements dramatiques (deux pompiers volontaires sont morts) qui ont fait les manchettes à Baie Saint-Paul lorsqu'une pluie diluvienne s'y est abattue, étaient encore frais. Ces intempéries hors normes ont évidemment fait des dégâts sur le parcours de golf. Des sentiers ont été emportés, une rivière a soudainement dévié, faisant en sorte qu'un ruisseau est totalement sorti de son lit, causant de sérieux dommages.
«Cela s'est passé tellement vite, se souvient le surintendant. En l'espace de quelques minutes, c'était le déluge. Je capotais! Je me souviendrai toujours du 12 mai 2023.»
N’empêche, lors de notre passage, il n'y avait pratiquement plus de traces de cette catastrophe. Et l'ouverture officielle du terrain a eu lieu comme prévue quelques jours plus tard.
Doris Caron part donc la tête en paix, comme il le dit, et même avec la fierté d'avoir terminé l'installation d'un système d'irrigation permettant de jouer un terrain toujours plus beau.
Une dernière question avant de le laisser retourner sur les allées pour y corriger un petit problème: n'est-ce pas trop stressant de partir, de remettre entre d'autres mains le travail des dernières années?
«Oh! pas du tout!, s'exclame-t-il, encore là tout sourire. Tu ne peux faire ce métier-là pendant 40 ans si tu es du genre stressé. Et si tu veux un jour qu'il y ait de la relève, il faut bien lui faire de la place à cette relève!»