Dearfield Beach, Floride – Le bras gauche, ancré dans une béquille, garde l'équilibre. Le bras droit, lui, pivote vers l'arrière puis revient rapidement en descente dans un arc parfait. Au bout, le bâton de golf frappe avec aplomb la balle, fouettée par un mouvement vif et solide du poignet. La petite balle blanche file alors à une bonne hauteur avant de courber vers la gauche.
«C'est mon genre de coup: une balle basse avec un léger crochet vers la gauche, un draw», précise Stéphane Quevillon.
Ce n'est pas tous les jours que l'on voit quelqu'un frapper au golf d'un seul bras. Ce n'est pas tous les jours que l'on entend quelqu'un nous dire que l'accident qui l'a cloué sur un fauteuil roulant est peut-être l'une des meilleures choses qui lui soit arrivée. Bref, ce n'est pas tous les jours que l'on a la chance de rencontrer un type comme Stéphane Quevillon.
S'entretenir avec cet homme de 55 ans dont la vie a pris un tout nouveau sens dans la jeune vingtaine, est quelque chose de particulier. Comment dire? Comme si vous regardiez à l'extérieur le mauvais temps qui perdure et qui nargue et que, tout à coup, le soleil se pointe! Comme si rien n'était sombre aux côtés de cet homme à la parole facile mais surtout, à la bonne humeur inébranlable.
Pas d'apitoiement
Et pourtant… pourtant il s'agit de quelqu'un se destinant vers une carrière d'ingénieur lorsqu'à 23 ans, à la suite d'un accident de la route, il s'est réveillé paralysé des deux jambes (moelle épinière écrasée). Fini les rêves? Fini les passions? Bon golfeur, il se retrouvait alors sur un fauteuil…
«J'ai connu une très bonne carrière junior et amateur, rappelle-t-il. Duc de Kent, Alexandre de Tunis, Championnat provincial… j'ai joué tout cela!»

Nous l'avons rencontré en Floride où il passe ses hivers de tout nouveau retraité de la finance. «Après l'accident, explique-t-il, j'ai compris que je ne serai jamais ingénieur. Je me suis dirigé vers la finance, courtier en valeurs mobilières internationales, et j'ai finalement eu une très belle carrière.»
Volubile à souhait, si vous ne l'interrompez pas, Stéphane Quevillon continue et continue de parler. Mais ce n'est pas grave car il en a des choses à dire et, franchement, c'est tellement intéressant!
«Je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé, aucun souvenir de l'accident», lance-t-il sur un ton badin, comme s'il parlait de banalités quotidiennes et non du destin qui frappe pour la vie. «Je n'ai jamais eu de feedback, de souvenirs troubles qui auraient pu me hanter, rien! Il n'y a jamais eu d'apitoiement, non plus! Et je te le dis, c'est peut-être la plus belle chose qui pouvait m'arriver! Si je ne m'étais pas retrouvé en situation de mobilité réduite, je n'aurais jamais rencontré les gens de la NAOAGA.»
Compétition à un bras
La NAOAGA? C'est quoi cela? La North American One Arm Golf Association. Il s'agit d'un circuit de golf dont les participants frappent la balle d'un seul bras.
«Dans les années suivant l'accident, reprend Stéphane Quevillon, je suis bien sûr allé en réadaptation. J'ai ainsi pu quitter le fauteuil pour marcher avec des béquilles de temps à autre. Même si ma jambe gauche est demeurée paralysée, ma jambe droite est revenue. Alors je suis retourné au golf.
«Je me souviendrai toujours de mon premier coup de fer 7 frappé d'un seul bras! J'ai donc repris le golf, graduellement, au club la Vallée du Richelieu où j'avais toujours été membre. Ma technique s'est améliorée peu à peu, l'endurance est revenue. Puis un jour, mon ami Serge Savard m'a parlé de ce circuit de golf à un bras.»
De belles rencontres
«Dans ma tête, continue-t-il, je me considère au golf comme un joueur de classe A, mais mon corps me ramène à la classe C, donc au bout du compte, cela fait de moi un bon joueur de niveau B! Sans blague, je me suis toujours amélioré au fil des ans, j'ai même réussi un trou d'un coup, ce que je n'avais jamais fait avec deux bras! Bref, mon jeu a progressé et j'en suis arrivé à un niveau qui m'a permis de joindre l'équipe nationale nord-américaine de la NAOAGA.»

Et c'est là qu'il revient à cette phrase voulant que son accident n'a pas été une si vilaine chose dans sa vie, qu'il lui a permis de vivre des expériences particulières.
«Au sein de ce circuit, dit-il, j'ai rencontré des gens formidables! Encore récemment, grâce à ces personnes, je soupais dans un prestigieux club de golf en compagnie de Nick Price!
«Et quand tu es avec ces personnes dont le handicap n'est surtout pas un obstacle, tu ne parles pas de tes limites, de ce que tu vis, non. Tu parles de ton golf comme tout bon golfeur en parle. Si tu voyais les coups que certains d'entre eux peuvent frapper! C'est impressionnant! Il y a dans ce groupe des joueurs scratch, qui jouent régulièrement la normale!»
Les jeunes
Nous avons été mis en contact avec Stéphane Quevillon parce qu'il sera le président d'honneur de la prochaine Classique Optimiste Assiante, important tournoi junior au Québec. Visiblement, il est fier de cet honneur.
«Encore là, émet-il, le regard joyeux, c'est ma mobilité réduite qui m'amène là!»
Et avec la parole facile qu'on lui connaît, il en aura des choses à dire à ces jeunes dont, bien sûr, le conseil de ne jamais abandonner.
Lors de notre première rencontre, d'importantes douleurs au dos ne lui permettaient pas de s'élancer pour une prise de photos. On remet donc cela à une autre journée. Et quand ce jour arrive, Stéphane Quevillon se pointe avec sa conjointe Julie. Vous connaissez l'expression « qui ressemble, s'assemble »? Eh bien avec ces deux-là, rien de plus vrai!
Tous deux ont le sourire facile, leur gentillesse frappe, on se sent tout de suite à l'aise en leur compagnie. Ce qui est plus évident encore: leur complicité. Julie, une physiothérapeute, semble le reflet féminin de Stéphane (ou vice et versa…)!
«Je lui dois beaucoup, raconte celui-ci. Elle m'a permis d'aller plus loin, au-delà de mes limites…»
Lui qui s'exprime pourtant aisément se tait alors. Mais ses yeux brillants, son expression silencieuse, son regard dirigé vers elle en disent davantage…
francois Mathieu
Salut Stéphane,
Quel courage de ta part.
Je lève mon chapeau devant toi mon ami.
Je n’ai pas de mots…
Steve Quevillon
Merci Francois. Désolé pour le retard à te repondre. Vivre le golf c’est La Vie 🙂