J'ai toujours été agacé par ces gens qui aiment jouer à qui pissera le plus loin. Alors quand on me demande – et on le fait tellement souvent – quel est à mon avis sur le plus beau terrain de golf, je réponds toujours vaguement sans jamais en nommer un en particulier.
Pour quelle raison je vous fais part de cette remarque? Parce qu'un courriel est récemment entré à ce sujet provenant d'un lecteur qui me faisait part d'un classement qu'il jugeait douteux. Personnellement, ils sont tous douteux.
Combien de fois sommes-nous témoins (surtout ces temps-ci avec les nombreuses pages Facebook et nouveaux sites de golf qui disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus) de ce genre de répertoire où des évaluateurs anonymes donnent des cotes à des parcours? Trop souvent. C'est pourtant totalement subjectif, ça anime dans le vide des tribunes, ça flatte des egos et, au final, c'est presque de l'information déplacée.
Oui, bien sûr, cela peut être divertissant de voir s'afficher ce qu'on prétend être les plus beaux terrains. Bien sûr, également, que j'ai moi-même mon «mur de célébrités» des parcours où j'ai eu la chance de jouer. Personnellement, le décor, les panoramas, l'entretien impeccable, ce genre d'attraits et de détails, me guident dans mes évaluations personnelles. Je dis bien : personnelles. Car pour d'autres, ces aspects ne comptent nullement.
La plupart du temps on voit toujours dans les sommets des palmarès presqu'uniquement des clubs dont l'accès est strictement limité, où l'on peut y mettre les pieds que si l'on a le privilège d'y être invité. Des lieux exclusifs que l'on ne verra jamais, qu'on nous interdit presque de voir… ensuite on demande de croire en ceux qui font les classements!
Oui, oui, bien sûr, c'est sûrement de beaux et luxueux parcours, pas de doute à ce sujet. Croyez-moi, j'en ai fait des terrains haut de gamme un peu partout sur la planète. Mais ne venez surtout pas me redemander quel est le plus beau. Je vous répondrai toujours que je cherche d'abord et avant tout à vivre une expérience de golf que je me rappellerai toujours.
Parmi ces terrains très privés qu'il m'a été donné de jouer, il y en a un (au Québec mais je ne le nommerai pas) dont le premier coup d’œil donne à penser qu'on est dans le bas, dans le très bas de gamme. Quand j'y ai mis les pieds, les allées étaient brunes, pas de gicleurs pour les entretenir. Les verts, bien ordinaires. Le pavillon du club, donc l'accès m'a été permis que de brèves minutes, d'une banalité étonnante. Et pourtant j'y ai vécu une belle expérience.
Car il s'agit d'un terrain prestigieux dont le moins fortuné de ses membres pourrait à lui seul en faire un parcours haut de gamme comme ceux que l'on retrouve dans les fameux tops 10 ou tops 100. Eh non! Les membres ont souhaité gardé les lieux dans une ambiance vintage, gardé le cachet vieillot d'antan, comme à ses débuts il y a plus de 100 ans. Ils s'en fichent totalement que leur parcours, qu'ils chérissent, ne se retrouve pas dans ces palmarès.
Il faut respecter cela. Et c'est là où je veux aussi en venir, le RESPECT. Faire de tels classements, à la limite, c'est quasiment irrespectueux.
Donnez à n'importe quel surintendant au Québec un budget semblable à ceux des clubs ultra privés et ils vous feront, avec leur équipe dévouée, un terrain de qualité dans le temps de le dire. Alors respectons le travail de ces gens œuvrant sur les parcours avec des moyens limités et cessons de leur casser les oreilles avec des classements bidons.
Comme si ces évaluateurs étaient capables de se taper tous les parcours! Si l'on veut être objectif, on va jusqu'au bout. Alors donner une note à un terrain quand on n'a même pas pris la peine d'aller jouer les autres… Ça m'agace, que je vous dis!
Les palmarès musicaux ont toujours été basés sur des données, les ventes de disques. Les classements sportifs, sur des victoires.
Et je le répète, c'est une question de respect. La majorité des golfeurs et golfeuses n'en n'ont rien à cirer que leur terrain ne soit pas dans les sommets, ils aiment leur parcours, ils aiment l'atmosphère régnant dans leur club et ils savent apprécier les efforts de leurs responsables.
Oui, j'en conviens, ça peut être flatteur pour certains de se retrouver à l'occasion dans le haut de ces classements mais là, pas le choix, on doit ensuite composer avec ce que j'appelle le «destin lamentable de l'alpiniste». Qu'est-ce qu'il fait l'alpiniste une fois le sommet atteint? Je vous le donne dans le mille, il redescend…
Serge Dagenais
Excellente réflexion Martial!
GML
Merci