Les surintendants des terrains de golf du Québec n’ont pas eu à subir un été immensément pluvieux comme celui de 2023, mais ils ont dû affronter des défis différents qui ont encore mis leur savoir à l’épreuve. Réunis sur les allées du Club de
Saint-Georges de Beauce dans le cadre de l’Omnium Paolo Roberge, les surintendants ont échangé sur cet été aux particularités variables d’une région à l’autre. Tous sont toutefois unanimes pour dire qu’ils sont les témoins des changements climatiques.
La saison 2024, parfaite pour les golfeurs, a apporté son lot de défis pour les surintendants. Les fortes chaleurs accompagnées d’un haut taux d’humidité ont nécessité l’utilisation préventive de fongicides afin d’éviter le développement de maladies sur les verts. Les grandes chaleurs diminuaient toutefois la durée de leur efficacité. Le Bas Saint-Laurent et le Saguenay-Lac Saint-Jean ont reçu peu de précipitations.
«Notre parcours n’a pas été fermé une seule journée, mentionne Jacques Landry, le surintendant du Club de golf de Matane. On ne comptait plus les journées de fermeture l’an passé. Nous avions même dû fermer une semaine complète. Notre système d’irrigation, très peu utilisé la saison dernière, a fonctionné à plein régime une bonne partie de l’été. La tempête Debby qui devait nous laisser de 50 à 80 millimètres de pluie n’en a laissé en réalité que 6,2 millimètres.»
Charles Ouellet a vécu une situation semblable au Club de golf de Chicoutimi.
«Nous avons reçu très peu de précipitations. La chaleur et le haut taux d’humidité étaient très difficiles à gérer. Il fallait bien sûr arroser, mais cela contribuait à augmenter le taux d’humidité. Avec les nuits très chaudes, il fallait rester à l’affût pour éviter le développement de maladies sur les verts.»
Charles Ouellet a puisé dans ses neuf années d’expérience pour contrôler la situation. «Ça n’aurait pas été une bonne année pour un débutant, avoue-t-il. Ce fut une saison stressante pour un surintendant.»
Rencontré quelques jours avant l’Omnium Paolo Roberge, le surintendant du Club Castor de Valcartier, Anthony Fiset, parlait lui aussi de gestion de la sécheresse.
«Il y avait plusieurs jours de grande chaleur entre les quelques épisodes de pluie. Ce n’est pas tant la chaleur qui causait problème chez nous, mais le vent qui l’accompagnait et qui contribuait à assécher le terrain. Il fallait souvent recommencer à arroser quelques heures seulement après une précipitation.»
À l’ouest, la tempête Debby
Les surintendants des régions plus à l’ouest de la province n’en avaient que pour la tempête Debby, cet épisode météorologique qui a déversé jusqu’à 200 millimètres d’eau sur leurs parcours les 9 et 10 août.
«Notre parcours a dû être fermé les deux jours, indique Sylvain Charpentier du Club de golf de Boucherville. L’efficacité de notre système de drainage nous a permis de rouvrir le dimanche. Il a quand même fallu quelques jours de plus pour remettre le terrain en parfait état.»
Philosophe, il estime cette situation bien moins pire que celle que subissent les gens affectés par des feux de forêts.
Au Club La Madeleine, ce sont une centaine de millimètres de pluie qui ont gorgé d’eau le parcours situé à Sainte-Madeleine.
«Il a même fallu épandre des fongicides dans les allées», explique le surintendant Rémi Daigle.
Situation un peu semblable pour Jean-François Marinier au Ki-8-Eb à Trois-Rivières. «Nous avons été trois jours sans rien pouvoir tondre, qu’il s’agisse des verts, des allées ou de l’herbe longue. Même les véhicules tout-terrain s’enlisaient tellement le sol était imbibé d’eau.»
Les surintendants des clubs de Louiseville et Montcalm à St-Liguori près de Joliette, sont toutefois ceux qui ont dû déployer les plus grands moyens pour éviter la catastrophe.
«Le niveau de la rivière qui passe aux trous numéros 16 et 18 est normalement 25 à 30 pieds sous les ponts qui l’enjambent, raconte le surintendant du Club de Louiseville, Pierre Rousseau. La rivière n’a pas seulement débordé, elle a, avec le fort courant, emporté les deux ponts. L’un d’entre eux était même renversé et coincé à travers des débris. Le vert du trou numéro 8 s’est quant à lui retrouvé sous plusieurs pieds d’eau.»
Les employés de l’équipe d’entretien et une dizaine de bénévoles se sont rapidement mis au travail. «C’est le fils de 22 ans d’un entrepreneur local qui a été le maître d’œuvre des travaux qui ont permis de replacer les ponts», explique Pierre Rousseau.
Des pelles mécaniques ont été installées de chaque côté de la rivière. Les deux ponts ont pu être replacés et solidifiés en un temps record. Nous avons rouvert le terrain six jours plus tard!»
Le Montcalm (photo en manchette), de son côté, a frôlé la catastrophe. «Le niveau de l’eau a monté tellement rapidement qu’une digue menaçait de céder, mentionne le surintendant Claude Gaudet. En plein milieu de la nuit, il a fallu transporter des roches avec des camions pour solidifier et rehausser la digue. Je n’ose imaginer ce qui se serait produit si la digue avait cédé.»
Changements climatiques
Les surintendants s’entendent pour dire qu’ils sont, avec les agriculteurs, les premiers témoins de l’impact des changements climatiques.
«Depuis quelques années, les épisodes de pluie intenses amènent en très peu de temps des précipitations de 30 ou 40 millimètres d’eau, constate Antony Fiset du club Castor. Les terrains ne peuvent absorber de telles quantités. L’eau ruisselle et inonde les endroits plus bas en arrachant les sentiers au passage. Les hauteurs, quant à elles, manquent d’eau et il faut quand même les arroser le lendemain ou le surlendemain. On ne semble plus avoir de journées de pluie tranquille laissant 5 à 10 millimètres d’eau ayant le temps de pénétrer lentement dans le sol.»
Un surintendant hôte fébrile
Le surintendant du Club de Golf de Saint-Georges, Sébastien Dumont, a avoué être un peu nerveux à l’idée de recevoir ses collègues surintendants de la province.
«Je voulais que le terrain soit en parfait état pour les accueillir. Mes invités sont des connaisseurs. Mais puisqu’ils sont au fait des défis que représente notre travail, ils sont aussi très compréhensifs.»
Le surintendant, qui en est à sa première année à Saint-Georges, n’avait pas à s’en faire. Le parcours était dans un état parfait. Il a suscité les commentaires très positifs des participants au tournoi.
Sébastien Dumont a souligné avoir reçu l’aide de deux collègues surintendants pour la cure de beauté matinale du terrain. Stéphane Poulin du Golf du Lac Poulin a participé à la préparation des trappes alors que Carl Petitclerc, du Golf Mont-Ste-Anne de Saint-Féréol, a aidé à la tonte du terrain.