Permettez-moi pour cette chronique, de vous présenter Éric Saint-Onge, kinésiologue qui enseigne à mon école de golf. Éric est un long driver professionnel, ce fameux sport extrême où les joueurs frappent des balles à des distances démesurées devant une foule bruyante et où de la musique rock joue à tue-tête. Sa passion lui a permis de terminer deuxième au Championnat Canadien en 2015 et de représenter le Canada à deux reprises lors de compétitions internationales, compétitions durant lesquelles il s'est mesuré aux meilleurs de la planète dans cette discipline. Dans son texte qui suit, il tente de répondre aux questions qui lui sont souvent posées au sujet de ces athlètes long driver.
Frapper des balles à plus de 400 verges et avoir l'impression que toute la ville voisine l'apprend par les cris de la foule, c'est inexplicable comme sensation. Lorsque j'ai la chance de parler de mon sport aux amateurs de golf, plusieurs me demandent des trucs pour frapper plus loin. Malheureusement, il n'y a pas de recettes miracles.
Bien sûr, on peut utiliser une prise forte et s'assurer que nos bâtons soient bien ajustés. Cependant, l’entraînement physique est un élément clé qui nous permettra d'améliorer notre distance. Le Titleist Performance Institute l'a d’ailleurs bien démontré à l'aide de tests de sauts et de différents lancers de ballons. Leurs résultats affirment que les joueurs professionnels sautent plus haut et lancent plus loin que les joueurs amateurs lors de ces tests. Les frappeurs de longue drive ont démontré encore plus de puissance que les deux autres groupes. Ceci illustre bien que la force physique et la puissance musculaire jouent un rôle majeur dans la capacité de frapper la balle loin. D’ailleurs l’entraînement en salle est aussi très différent. La plupart des long drivers s'entraînent très lourd et ressemblent beaucoup plus physiquement à des joueurs de football qu'à des golfeurs.
Et les gars de la PGA?

Une autre question qui revient souvent est à savoir si les longs cogneurs du PGA Tour pourraient compétitionner contre les meilleurs long drivers au monde. Il est très difficile de répondre à cette question car très peu ont tenté l'expérience. Cependant, ceux qui l'ont essayé n'ont pas eu beaucoup de succès. Ce que les joueurs du PGA Tour ont remarqué, c'est qu'il y a qu'un très faible avantage au fait d'utiliser des bâtons de 2 ou 3 pouces plus longs. C'est vrai qu'une tige plus longue nous permettra d'avoir plus de vitesse, mais beaucoup moins qu'on puisse le croire.
Les longs cogneurs sur le PGA Tour, même en forçant, obtiendront des vitesses de balle d'environ 190 MPH. Avec un bâton de long drive, ils pourraient atteindre environ de 195 à 200 MPH de vitesse de balle. Les meilleurs long drivers de la planète, tant qu'à eux, produisent des vitesses de balle entre 215 MPH et 225 MPH. Je n'aime pas dire que les Bubba Watson et Dustin Johnson ne pourraient jamais compétitionner avec nous. Avec des mois, voire des années d’entraînement, je ne sais pas ce qu'ils pourraient obtenir comme résultats. Néanmoins, il est faux de croire qu'ils pourraient s’inscrire dans une compétition internationale de longue drive et dominer demain matin.
Des bâtons illégaux?
Plusieurs me demandent également si l'on utilise des bâtons illégaux. La réponse est non. Tous les bâtons utilisés doivent être conformes avec les règles de la USGA. Les têtes sont testées avant les compétitions importantes et les tiges doivent avoir une longueur maximale de 48 pouces. Les bâtons auront cependant des angles de 2 à 6 degrés (5 en moyenne). Cela est dû au fait que l'on produit une vitesse beaucoup plus grande que la moyenne. Si on utilisait des bâtons avec des angles 9 ou 10 degrés, la balle grimperait simplement dans le ciel avec trop d'effet rétro et on perdrait beaucoup de distance.
De la précision…
Souvent les amateurs de golf qui ont la chance d'assister à une compétition de long drive trouvent que l'on manque souvent l'allée, donc que nous manquons de précision. La distance apparait moins impressionnante dans ce contexte. Il faut donc mettre le tout en perspective.

Selon la compagnie Trackman, avec un élan de plus de 140 mph et une tête de bois un d'environ 5 degrés, il est quatre fois plus difficile pour un frappeur d'atteindre une cible, comparativement à un amateur qui s'élance à 90 mph (un frappeur d'environ 220 verges). Par conséquent, lorsque l'on regarde les gars frapper sur une aire d'atterrissage de 50 verges de largeur, ceci équivaut à un fairway de 12,5 verges de largeur à 220 verges. Au Championnat Canadien, l'aire d'atterrissage fait normalement 37 verges de large. Faites le calcul, ce n'est pas large…
C'est d’ailleurs exactement le même phénomène que l'on retrouve chez les joueurs professionnels. Normalement, les plus petits cogneurs touchent plus d'allée que les plus longs, c'est simplement mathématique. J'ai remarqué cependant que ce commentaire venait la plupart du temps de gens qui ont vu une compétition à la télévision. C'est probablement dû au fait que l'on voit moins bien la trajectoire de la balle. Lorsque l'on voit la compétition sur place, il y a effectivement des balles complètement échappées, je l'avoue, mais c'est aussi fou de voir comment un simple petit crochet peut nous faire sortir de l'allée. De plus, en concours de longue drive, une balle qui tombe à l'extérieur pour ensuite revenir dans l'allée et ce, sans même toucher un obstacle, est considérée comme hors limite. La balle doit atterrir puis rester à l'intérieur des limites pour être considérée en jeu.
Deux disciplines différentes
J'espère que mon texte vous a permis d'en apprendre un peu plus sur le sport de la longue drive, un sport haut en émotions et en adrénaline qui est encore peu connu. D’ailleurs, comme vous avez pu le voir, on le compare encore beaucoup au golf pour tenter d'en expliquer les différences. À mon avis, comparer le golf et la longue drive, c'est comme comparer le décathlon au 100 mètres en athlétisme. Les athlètes du décathlon doivent être bons dans plusieurs disciplines alors qu'un coureur de 100 mètres, pas de problème s'il n'est pas bon au javelot… Certains préfèrent voir des athlètes compétitionner dans plusieurs disciplines et d'autres préfèrent une course de moins de 10 secondes pour savoir qui est le plus vite… Ce qui est bien, finalement, c'est que tout le monde y trouve son compte!
Par Éric Saint-Onge (eldrick_3@yahoo.ca)
Yvon Beauregard
Bonjour,
Le texte est très intéressant et instructif et vos commentaires permettent de mieux comprendre
les efforts et l’entrainement de ces athletes
merci