Déjà la douzième édition de la Coupe des Présidents qui se met en branle ce week-end dans le New-Jersey et, cette fois-ci, c’est le Liberty National Golf Club l'hôte de cet évènement qui, au fil des années, a mis en scène des terrains de qualité inégale. Parcours relativement récent, le Liberty National permettra d’obtenir de magnifiques vues du profil de Manhattan puisqu’il est situé sur le bord de la rivière Hudson, à un jet de pierre de la statue de la liberté.
Le parcours est le fruit du travail acharné du visionnaire, Paul Fireman, qui a eu l’audace d’acquérir le site du parcours alors que ce dernier était encore un vaste terrain industriel. C’est dans le monde de la finance que ce New-Yorkais a fait ses premiers pas en tant qu’homme d’affaire, mais c’est la vente de sa « petite » compagnie Reebok à Adidas, pour une somme de 3.8 milliards de dollars, qui l’a fait connaître au monde entier. C’était en 2006 et il avait alors récolté la rondelette somme de 600 millions de dollars pour son travail!
Au cours de la même année, le Liberty National Golf Club a accueilli à ses premiers membres. Les langues sales diront que c’est pour se payer son parcours de golf que Fireman procéda à la vente de Reebok, puisque le parcours lui aurait apparemment coûté plus de 250 millions de dollars à construire. Est-ce que l’investissement en valait la chandelle? Même son créateur admet que non, mais il prétend également que son but premier était de construire l’un des meilleurs parcours de golf au monde à léguer à sa famille et à la communauté.
Tom Kite et Bob Cupp
Pour faire le design du parcours, il a engagé le golfeur Tom Kite, ancien champion de l’Omnium des États-Unis en 1992. Celui-ci s’est lui-même entouré de Bob Cupp, un ancien employé de la firme de Jack Nicklaus qui a laissé sa trace sur plusieurs de meilleurs parcours de son mentor. Ensemble, ils avaient la difficile mission de transformer un site industriel en friche en un parcours de classe mondiale. Pour ce faire, rien n’a été laissé au hasard. Une lourde et coûteuse décontamination a eu lieu et des centaines de milliers de mètres cubes de terre ont été bougés ou importés sur le site, afin de créer les ondulations nécessaires au parcours. Même la végétation a été importée à grands frais et plantée sur le site pour donner les ambiances voulues. Dès 2009, soit moins de trois ans après son ouverture, le parcours fût l’hôte de la Coupe Barclays qui fût également de retour en 2012.
Mais au-delà des vues spectaculaires qu’il offre sur le « skyline » New-Yorkais, qu’en est-il de la qualité du parcours? Plusieurs golfeurs se sont montrés critiques face à lui. Le célèbre magazine « Golf Digest » allant jusqu’à l’inclure dans sa liste des dix parcours les moins appréciés des joueurs du PGA Tour selon leur propre sondage…
Ceci a mené à quelques changements cette année en vue du tournoi. En effet, on a, entres autres, réorganisé l’ordre des trous du parcours afin de mieux répartir la circulation des spectateurs et ainsi améliorer le spectacle. Cela fait en sorte que le parcours se terminera sur une normale 3 (ordinairement le trou no. 4 du parcours), un fait très rare dans le monde du golf professionnel mais peut-être sans conséquence pour un tournoi par trou ou plusieurs matches peuvent se conclure sur les trous 16 ou 17. Cela occasionnera également que le tournoi se terminera à plus de 400 verges du chalet, à l’arrière du champ de pratique. Rien pour créer un sentiment d’accueil saisissant…
Pas de cohésion
Pour ma part, je dois avouer que le parcours me laisse froid. D’un point de vue environnemental, c’est un succès indéniable et un gain appréciable par rapport à la friche industrielle contaminée qui occupait le site avant la construction du parcours. Les vues qu’il offre seront superbes à la télévision et on en profitera sûrement pour les montrer abondamment en marge du jeu. Évidemment, celles-ci n’auront aucun impact sur le tournoi.

Personnellement, j’ai le sentiment que le site parait artificiel et que le parcours ne semble pas avoir la cohésion, l’attrait esthétique et stratégique qui font la marque des plus grands parcours au monde. Par manque de cohésion, on peut citer en exemple les fosses de sable qui sont parfois simples et rondes ou ovoïdes, ou immenses et complètement composées de très grands lobes rappelant un style floridien des années 80. Le même phénomène se retrouve sur les tertres de départ qui sont parfois carrés, parfois ovoïdes, formant ainsi un ensemble confus. L’utilisation de plusieurs artifices tels murs de pierres, cascades et faux ruisseaux contribue aussi à donner cette impression que tout a été créé artificiellement.
Tout ceci n’aura bien sûr aucun impact sur le jeu qui risque encore une fois d’être fort divertissant. Toutefois, le parcours hôte aura pour effet de me faire perdre de l'intérêt envers ce tournoi ayant le potentiel d’être très intéressant lorsqu’il est joué sur un parcours tel le Royal Melbourne, en Australie, où il se tiendra justement en 2019.
Comme c’est bien souvent le cas pour la Coupe des Président ou la Coupe Ryder, j’ai plutôt l’impression que le parcours a été choisi pour sa proximité avec le monde des affaires New-Yorkais et le potentiel de revenus venant avec. Mais ça, la PGA et la USGA nous y auront habitués depuis belle lurette, mis à part quelques surprises au cours des dernières années, tel que pour l’Omnium des États-Unis de 2013 à Merion, en Pennsylvanie, ou encore l’Omnium Canadien à St-Georges G & CC en 2010.
Et vous? Est-ce que le tournoi vous inspire? N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires sur la question!
Tant qu’à être dans la région de New-York…
Tant qu’à jaser de parcours de golf dans la région new-yorkaise, il serait intéressant de discuter des nouveautés à cet effet. Au cours de la dernière décennie, un phénomène particulier a eu lieu à New-York. En effet, deux autres parcours, en plus du Liberty National, ont ouvert leurs portes à quelques minutes de Manhattan sur des sites auparavant industriels. Il s’agit du Bayonne Golf Club, un autre parcours privé ouvert en 2006, et du Trump Golf Links at Ferry Point, un parcours municipal géré par Donald Trump et ouvert en 2015. Or, à mon humble avis, ces deux parcours méritent plus l’attention des golfeurs que le Liberty National.
Bayonne Golf Club
Situé lui aussi au bord de la rivière Hudson, ce parcours ne pourrait pas être plus différent du Liberty National. Son propriétaire et architecte, Éric Bergstol, a plutôt tenté de reproduire les links écossais et irlandais sur un autre site industriel situé à quelques minutes du centre-ville. Durant près de quatre ans, il a importé des milliers de mètres cubes de matériel sur son site restreint en vue d’y créer de fausses dunes pouvant atteindre une hauteur de plus de 100 pieds. Le résultat semble plutôt surprenant et dépaysant. Pour avoir foulé les allées de club irlandais tels Ballybunion, Enniscrone et Carne, je peux témoigner que le Bayonne Golf Club semble avoir été sculpté dans un moule à l’échelle similaire.
Trump Links at Ferry Point
Si l’idée de fouler les allées d’un club géré par l’équipe de Donald Trump ne vous donne pas des crampes d’estomac, une visite au Trump Links at Ferry Point pourrait s’avérer intéressante. Le parcours a été conçu par la troupe de Jack Nicklaus pour le compte de la Ville de New-York. Le parcours est donc considéré comme un parcours municipal ouvert au public, mais il est géré par l’équipe du président américain qui s’est assuré de compléter le parcours pour son ouverture en 2015, tout en promettant d’y construire un chalet au cours des prochaines années. De style « nouveaux links », le parcours est situé sur le bord de l’East River et il présente un design qui semble être plus cohésif que celui du Liberty National, sans la panoplie d’artifices qui viennent l’orner.
Bethpage State Park
Offrant pas moins de cinq parcours de bonne qualité, le Bethpage State Park est sans aucun doute le joyau des parcours municipaux et l’un des plus gros complexe de golf géré de manière publique en Amérique. Le plus connu des parcours est le Black Course, hôte de l’Omnium des États-Unis en 2002 et en 2009. Au premier tertre, on y affiche que le parcours est considéré comme étant extrêmement difficile et seulement pour les golfeurs de haut calibre ». Avis aux intéressés!
Garden City Golf Club
Le dernier parcours sur cette courte liste est également le plus âgé, datant de 1899. Le Garden City Golf Club est l’exemple parfait du minimalisme en architecture de golf et l’un des meilleurs parcours de la planète. L’architecture y fait un usage merveilleux des fines ondulations qui jalonnent le site d’un bout à l’autre. Pour un retour aux origines du golf nord-américain, ce parcours est un incontournable qui vaut la peine d’être étudié. Activez votre réseau de contacts pour y accéder car l’accès y est très restreint…
Il y a tant de parcours de golf de qualité dans la région new-yorkaise que je pourrais en faire un livre! Seulement à Long Island, des parcours tels Shinnecock Hills, The National Golf Links of America, Friars Head, Maidstone et Sebonack valent le détour, ne serait-ce que pour voir un seul d’entre eux. Au nord de la ville, on retrouve quantité d’autres classiques, tel Winged Foot, Sleepy Hollow et Westchester, alors qu’à l’est, il y a aussi Baltusrol et Somerset Hills valant eux aussi la peine de recourir à vos réseaux de contacts.
Pour la liste des parcours les moins appréciés des golfeurs du PGA Tour, cliquez-ici :
https://www.golfdigest.com/gallery/photos-worst-tour-courses
Pour un article intéressant sur le premier coup de départ du parcours, cliquez-ici :
Pour une autre description rapide du parcours, cliquez-ici :
Yannick Pilon Golf © 2017
francois Mathieu
Monsieur Pilon, c’est bon votre chronique. Très bon même…À titre d’architecte de golf, pourriez-vous me citer les parcours que vous avez dessiné au Québec ? On dirait que nous voyons toujours les mêmes deux noms. Vous me semblez très compétent et avec de bonnes idées et surtout de nouvelles idées. Je m’intéresse beaucoup à l’architecture des parcours de golf et ce que je reproche au Québec, c’est que la tangeante est toujours la même d’un parcours à un autre depuis quelques années et ce, dû au choix de toujours les mêmes architectes.
Je vous souhaite bonne chance et bon succès..
Yannick Pilon
Merci M. Mathieu pour votre commentaire.
Pour la liste complète de mes réalisations, tant à mon compte que durant mes années au sein de la firme de Graham Cooke, je vous invite à consulter mon portfolio sur mon site web: http://www.yannickpilongolf.com/portfolio_fr.html
De nos jours, en tant qu’architecte, il devient de plus en plus difficile de laisser une marque tangible sur un parcours, à moins qu’il ne soit entièrement nouveau, ou à moins qu’il ne fasse l’objet d’une rénovation importante (Par ex: Parcours Bleu à Laval-sur-le-lac, Parcours Rouville et Parcours Verchères à la Vallée du Richelieu). Dans le marché actuel, je serais aujourd’hui étonné d’apprendre la construction d’un nouveau parcours. Ceci laisse donc peu de place à la créativité brute….
Étant donné que la majorité des parcours ne font que des retouches mineurs, le rôle de l’architecte est maintenant plutôt de faire en sorte que ses interventions passent inaperçu afin de ne pas perturber le style du parcours existant. Lorsque les rénovations sont facilement perceptibles, à mon humble avis, l’architecte n’a pas entièrement bien fait son travail, même si, ultimement, des améliorations sont apportées.
Que voulez-vous dire par le fait que « la tangente est toujours la même d’un parcours à l’autre depuis quelques années »? Il est vrai que le peu de compétition dans le monde des architectes au Québec a longtemps fait en sorte que les parcours construits étaient souvent semblables. Toutefois, c’est à mon avis de moins en moins le cas aujourd’hui, même s’il n’y a plus d’ouverture de nouveaux parcours.
N’hésitez pas à me contacter pour toute autre question.
Yannick Pilon
francois Mathieu
Monsieur Pilon, un gros merci pour votre réponse. Votre français: 10/10, soit dit en passant. Lorsque je parle de tangeante, je parle de Huxsam Design qui semble apporter sa touche identique sur plusieurs parcours. Au même titre que Howard Watson dans les années 1962. On dirait qu’il est le seul à refaire des parcours depuis 5 ans…Dans ma vie professionnelle, je suis designer mais dans un autre domaine carrément différent. Sauf qu’il y existe une loi non écrite: conserver le même style que précédemment. Bref: ne pas contraindre le style d’un parcours mais bien de lui donner une continuité dans une ère moderne. Il me semble que certains architectes de golf ont oublié ce chapitre. Je trouve cela très malheureux pour certains parcours centenaires qui sont en train de perdre leur propre identité.
Yannick Pilon
M. Mathieu,
Effectivement, certains architectes utilisent le même style architectural peu importe le contexte dans lequel ils travaillent. Ceci peut être désolant par moments, pour certains connaisseurs qui sont capables de percevoir cette uniformité de style.
Cependant, ce qu’il faut se rappeller, c’est que, généralement, ces architectes sont engagés en fonction de leurs travaux passés par des clients qui s’attendent à obtenir quelque chose de semblable pour leur propre parcours.
Pour ce qui est des parcours centenaires qui perdent leur identité, je suis d’accord avec vous, mais jusqu’à un certain point. Prenons pour exemple le Royal Québec, sur lequel plusieurs trous ont été retravaillés au fil des années dans un style moderne, alors que le parcours est l’un des plus anciens au Québec. Avant de lancer la pierre aux architectes, il faut savoir quelle fut leur commande. Dans ce cas-ci, est-ce que le Club leur a demandé de moderniser le parcours en entier de manière consciente, sur une longue période, ou est-ce qu’on a laissé carte blanche aux architectes qui ont consciemment choisi d’imposer leur style à quelques endroits sur le parcours sans savoir s’ils auraient l’occassion d’implanter ce même style sur l’ensemble du parcours? La nuance est importante.
Par exemple, au milieu des années 2000, on m’a donné le mandat de reconstruire toutes les fosses et tous les verts du Parcours Verchères à la Vallée du Richelieu. Il était clair dans mon mandat, que le parcours devait être modernisé pour se différencier du parcours Rouville avec lequel il n’y avait que très peu de différence de style. Le tout a été fait sur quelques années avec la certitude que l’entièreté du parcours serait refait, ce qui fut heureusement le cas.
Autre nuance: bien souvent, on donne un mandat important de rénovation à l’architecte, et au bout de quelques temps, les membres de la direction changent, et le projet est abandonné ou modifié en cours de route par les nouveaux membres de la direction…
Il est donc difficile de juger efficacement le travail d’un architecte dans ce contexte sans savoir quels étaient leurs mandats. Peut-être que ce qui vous parait être une style redondant reproduit sur plusieurs parcours plait à un grand nombre de golfeurs et de clubs qui demandent que ce style soit appliqué à leur parcours? Qui sait? La beauté est dans l’oeil de celui qui regarde, non? Chacun ses goûts, autrement dit.
Ceci dit, j’ai tendance à être de votre avis sur la question, et c’est pourquoi j’essaie de m’adapter en fonction du parcours sur lequel je travaille et en fonction des besoins de mes clients qui varient d’un parcours à l’autre.